Le 10 mars 2013 : ce jour où on a tenté de me violer
3 août 2020
On est le 10 mars 2013. Il est 22 h, je me prépare à me coucher. Je dépose mon thé sur mon bureau, puis je vais à la salle de bain. À ce moment-là, je ne sais pas que je vivrai l’une des pires soirées de ma vie.
À mon retour dans ma chambre, je ferme la porte. Derrière, un homme bâti portant un imperméable jaune s’y cache.
Au début, je pense que c’est un ami de ma coloc qui s’y est glissé pour me faire une mauvaise blague.
Mais non, je ne connais pas cet homme. Ma coloc, non plus.
Je lui demande plusieurs fois qui il est et ce qu’il veut. Il me répond de ne pas faire de bruit. De me calmer. Que tout va bien aller. Et alors qu’il dit ces mots tout doucement, je remarque qu’il se rapproche de plus en plus moi. Mon nez sent son odeur d’alcool. Mon corps sent ses mains se poser sur moi. Il caresse mes fesses. C’est trop. Je le repousse et je crie de toutes mes forces.
Il s’écarte, ouvre la porte de ma chambre, descend les escaliers, puis sort par la porte-patio. Pendant qu’il descend, je constate qu’il ne porte pas de pantalon. Je n’ose pas imaginer ce qui aurait pu arriver si j’étais restée figée.
C’est à ce moment que je m’effondre. J’ai quand même l’énergie et le courage de dire à ma coloc d’appeler la police. Pendant ce temps, mes deux autres colocs montent à ma chambre pour me consoler. Mais je suis inconsolable. J’appelle mes parents. Je suis en larmes.
Un inconnu est entré dans ma chambre. Un inconnu m’a touché. Un inconnu a outrepassé mon intimité. J’ai mal au cœur.
La police arrive. Je porte plainte. Je tente de peine et de misère de décrire ce qu’il vient de se passer. Mais je ne suis pas d’une grande aide. Des détails m’échappent. Il faisait noir. J’ai à peine vu son visage. J’ai l’impression de m’être réveillée d’un cauchemar et de ne garder en mémoire que des parcelles de ce traumatisme. Les parcelles les plus épeurantes, évidemment.
Il y a eu une enquête. Je te rappelle que ça s’est passé le soir du 10 mars. Entre temps, la neige a fondu. On n’a donc même pas pu savoir dans quelle direction il avait pris la fuite.
Les répercussions…
Ça m’a pris deux semaines avant de retourner dormir dans ma chambre. Je n’y entrais que pour prendre des vêtements. Le plus rapidement possible.
Et quand j’y suis finalement retournée pour dormir, c’était toujours avec les lumières allumées. Je peux vous dire que mon sommeil en a pris un coup. Ma session et mon bien-être mental, aussi.
J’en ai longtemps voulu à cet homme à l’imperméable jaune. J’étais fâchée. D’abord, parce qu’on ne l’a jamais retrouvé. Il s’est évaporé dans la nature. Ensuite, parce qu’à cause de lui, je ne me sentais plus en sécurité nulle part. Nulle part.
Et ce sentiment d’insécurité, il est encore présent aujourd’hui. Dès que je dors dans un nouvel endroit, je suis stressée. Ça, c’est sans parler de l’idée de me faire dormir dans le noir complet : oubliez ça tout de suite! Et évidemment, chaque année, le 10 mars, je refais le même cauchemar. Oui, même sept ans plus tard. Parce que malgré que son visage m’apparaisse flou dans mes souvenirs, les événements, eux, sont toujours très clairs dans ma mémoire.
Certes, ces petites séquelles sont encore avec moi, mais avec du recul, je suis impressionnée par ma capacité de résilience. On parle souvent des événements, mais trop peu des répercussions. Je ne considérais pas ce qui m’est arrivé comme une agression sexuelle. Dans ma tête, il avait seulement touché mes fesses, donc ce n’était pas une agression. Mais oui, c’en est une. Il a touché mes fesses sans mon consentement. Sans mon consentement. Alors, non, je n’ai pas été violée. Mais on a violé mon intimité. Et je peux vous dire que ça fait mal. Mais on passe au travers.
J’ai écrit ce texte de façon anonyme, car ne n’est pas tout le monde dans mon entourage qui est au courant et non par peur de dénoncer. Comme tu as pu le lire, j’ai déjà porté plainte. Je n’ai simplement pas envie d’inquiéter mes proches avec cela, car aujourd’hui, je vais bien malgré tout.
Je tenais tout de même à partager mon histoire, parce que non, malheureusement, justice n’est pas toujours rendue. Je te mentirais si je te disais que j’ai totalement pardonné l’homme à l’imperméable jaune. Je suis quand même un peu rancunière… Mais avec le temps, je me dis que c’est lui le pire. Qu’il a clairement un problème et pour lequel il ne recevra probablement jamais l’aide nécessaire, malheureusement.
Ce soir du 10 mars 2013, j’ai eu de la chance dans ma malchance. J’ai pu compter sur ma famille et mes amis. J’ai aussi une super travailleuse sociale du CAVAC qui m’a grandement aidée dans mon processus. Je t’encourage à prendre contact avec cette ressource si jamais tu vis quelque chose de semblable.