À toi qui as été mon effet papillon
2 mai 2017
On s’est rencontré un soir d’été. Tu me regardais droit dans les yeux. Je le sais, je faisais la même chose. Obnubilée par l’émanation de ton charisme, je me suis avancée vers toi, question de faire les premiers pas. Chose qui n’arrive jamais, parce que je m’enfarge habituellement dans ma maladresse et mon ridicule. Malgré un taux d’alcoolémie clairement trop élevé pour que tu prennes le volant, tu t’es avancé vers moi, d’un pas décidé, et m’a abreuvé de tes belles paroles. À l’époque, elles me semblaient imprégnées d’une sincérité palpable. Après une longue discussion, tu as fini par me demander mon numéro en me disant que tu voulais me revoir.
Mais l’affaire, c’est que t’es parti. Loin.
Pas loin-genre-Laval. Fucking loin. Genre sur un autre continent.
Évidemment, on s’est promis de s’écrire, de se donner des nouvelles aussi souvent que possible, de s’appeler sur Skype, de se retrouver ici ou là-bas… là où le vent nous mènera. Mais l’ère des technologies et des faux contacts nous a rattrapés. Contre mon gré. Contre le tien? Peut-être. Je ne sais pas. Et si chacun de nos moments libres était rempli de nos échanges et que la nostalgie d’un au revoir si dur se ressentait encore quelques temps après ton départ, aujourd’hui, c’est comme si tout ça n’avait pas existé. Le seul contact qu’on a, c’est quand on aime une photo de l’autre sur Facebook ou Insta et encore! Au moment même où j’écris ces lignes, je constate qu’on habite qu’à quelques stations de métro l’un de l’autre et pourtant, on était plus proches lorsqu’un océan nous séparait. Vois-tu l’ironie?
As-tu déjà entendu parler de l’effet papillon? Cette théorie selon laquelle le battement d’aile d’un tout petit papillon au Brésil pourrait causer une tornade au Texas. Un événement – aussi minime soit-il – en cause un autre, puis, un autre et encore un autre. Jusqu’à former une chaîne où un battement d’aile peut rapidement se transformer en catastrophe.
Comprends-moi. Tu ne m’as pas brisé le cœur et ces mots ne se veulent pas une quelconque thérapie. En fait, je ne sais pas pourquoi je les écris. Peut-être parce que j’essaie de me convaincre de passer à autre chose. Parce qu’on ne se connaît pas tant que ça. Parce que j’ai l’impression de t’être utile, mais pas forcément intéressante. Parce que je n’ai pas envie de te faire porter le blâme de mes cicatrices passées – ça n’a juste pas rapport. Ou alors, parce que je te mets sur un piédestal, pour aucune esti de raison. Je reste simplement convaincue que certaines rencontres peuvent profondément nous troubler. Pour moi, tu étais cette rencontre. Tu étais mon effet papillon.
Le problème, c’est que je le savais dès le départ que je n’aurai aucune chance avec toi. Que tu étais out-of-my-league, comme disent les autres. Pour la première fois de ma vie, j’avais des trust issues. Je ne me sentais pas à la hauteur. Et j’avoue que j’ai nourri l’espoir d’avoir un jour quelque chose à nous. Rien qu’à nous. Il s’est toutefois envolé en même temps que toi pour l’autre terre. Faut dire que ce n’est resté qu’une germe et je t’en remercie que ça n’ait pas eu le temps de prendre vie. Parce qu’au moins, je n’ai pas souffert comme on souffre lors d’une peine d’amour ou qu’on te fait un vaccin – je ne sais toujours pas lequel fait le plus mal. T’sais, il faut un petit quelque chose de plus qu’un simple flirt pour que ma vie soit toute chamboulée. Mais tu as quand même chamboulée la mienne. À ta manière.
Et je t’avoue que je suis un peu tannée d’attendre que mon téléphone vibre à nouveau. Ce n’est pas que j’ai peur de faire les premiers pas. Mais après des dizaines de fois, il me semble que ce serait normal que tu prennes le relais, non? Je ne sais pas si c’est parce que tu es aussi intimidé que moi ou si c’est parce que tu t’amuses à jouer le rôle du fuckboy, mais sache que je n’ai aucun talent à ce petit jeu. Du moins, je ne ressens plus l’envie de valser avec toi comme si de rien était. Comme je l’espérais encore, il y a quelque temps.
Je me suis torturée pendant des mois. Tantôt en imaginant nos retrouvailles. Tantôt en pensant à ce qui s’est passé pour qu’on en arrive là. Au moment où on était encore que de simples étrangers. Le moment où on marchait dans les traces de l’autre sans être au courant de son existence, sans savoir que notre rencontre était imminente. Et je me torture encore et encore, en me disant que je te retrouverais peut-être dans un autre chapitre du livre de ma vie. Parce que oui, ça aurait pu fonctionner, si tu n’avais pas battu de l’aile.
Couverture: Mathias Reed