Un entre-deux

Ça restera entre nous

S’émerveiller de la vie : une critique d’Into the wild

Hey l’ami! Je viens de finir le livre Into The Wild, de Jon Krakauer. Et man… Cette lecture est fascinante.

Pas seulement pour les réflexions passionnantes que le livre nous partage sur la valeur de l’argent, de nos relations avec et de l’importance du capitalisme dans notre société. Pas seulement pour le constat réalisé par le personnage principal que les mentalités de nos parents sont très différentes des nôtres et que cela peut causer beaucoup de frustrations. Pas seulement pour les extraits d’oeuvres littéraires historiques rapportés par l’auteur en rapport aux événements vécus par Chris, qui nous font réfléchir même aujourd’hui. Pas seulement pour les endroits fantastiques qui y sont décrits et le désir de les visiter que cela nous crée. Pas seulement pour l’amour de la solitude qui est si habilement raconté.

Mais bien pour la mentalité du wanderlust et de l’appréciation du moment présent que ce livre partage au lecteur. Ce n’est pas pour rien que ce livre et ce film ont inspiré une génération. L’aventure de Chris McCandless – a.k.a. Alexandre Supertramp – représente autant le paroxysme de l’idée comme quoi plusieurs ressortent de voyage enivrés.

Chris McCandless, devant l’autobus qui aura vu ses derniers moments. Source : Wikipedia

Pour moi, c’est étrange de voir autant de jeunes suivre volontairement le même chemin que cet homme. Le but initial de Chris était de s’émanciper de tout, de se retirer de la société et d’être unique. Je crois que c’est un but noble que de s’inspirer de ce voyage dans l’optique de s’isoler et de découvrir qui nous sommes vraiment, au sein de notre solitude. Pourtant, le voyage de Chris l’a mené à sa fin…. Dans ce contexte, c’est assez paradoxal pour un jeune voyageur de vouloir recréer cette épopée.

Il faut comprendre que ce livre, qui est en fait l’histoire d’une vie, n’est vraiment pas une invitation. L’auteur de ce roman veut simplement rendre compte du chemin d’un jeune désillusionné et enivré par ses valeurs strictes. C’est une histoire à raconter et à partager. Elle ouvre les yeux sur beaucoup de choses. Pourtant, il ne faut pas oublier qu’il y a laissé sa vie.

Ainsi, la question de pourquoi Chris est allé risquer sa vie en Alaska se pose. Était-il fou? Était-il mentalement instable? Avait-il des pensées suicidaires? Je ne crois en aucune de ces hypothèses. Pourtant, il est mort de faim. Donc, quelque chose quelque part ne tournait pas rond pour qu’il se laisse dépérir de cette façon. Certains diront que c’était la faute du jeune Chris, un amateur qui a fait quelques erreurs fatales. D’autres penseront plutôt qu’il avait besoin d’une thérapie pour rétablir sa santé mentale. Certains diront qu’il cherchait la mort. Certains iront même jusqu’à le critiquer et l’insulter pour l’évidente stupidité qu’il a démontré dans ce voyage.

Mon opinion est à l’opposé de ces suppositions. Je crois qu’il était quelqu’un d’intelligent, de sain d’esprit et qu’il a risqué sa vie en Alaska seulement pour appréhender et affronter la mort. Et ce n’est pas un trouble mental. Cela peut être contre-intuitif, mais le désir de confronter la mort n’est pas un acte suicidaire. De la même façon que l’on confronte ses peurs en pratiquant un sport extrême, je crois que Chris est allé se perdre en Alaska afin d’affronter la Nature et la solitude. Ce que j’entends par là, c’est qu’il a pris le risque de mourir et l’a accueilli avec enthousiasme.

« Affronter le danger est un rite de passage dans notre culture comme la plupart des autres. Et puis, le risque a toujours eu un certain charme. C’est en grande partie la raison pour laquelle tant d’adolescents conduisent trop vite, boivent trop [et] prennent des drogues […]. »
– Into The Wild, Jon Krakauer
Crédits photos : Carl Cerstrand via unsplash.com

L’expédition en Alaska était similaire à un saut en parachute, seulement 10 fois plus intense et risquée. C’était une invitation qu’il voulait l’explorer. Il a accueilli le risque avec joie, car c’était ce dernier et ce stress de survivre par ses propres moyens qui l’animaient. Je peux pleinement saisir ce concept : risquer sa vie pour mieux l’apprécier. Voir le noir de plus près afin de mieux comprendre le blanc. En vrai, c’est la même expérience lorsque l’on est au bord d’une falaise et que l’on admire la distance qu’il faudrait traverser pour rejoindre le fond. C’est aussi un peu pour cela que l’on essaie des drogues, appréhendant le risque de leur ingestion, tout en espérant un effet agréable. Et c’est surtout pour cela que je grimpe n’importe où – sur des ponts ou sur des toits de restaurants – car ça me procure un stress unique et une histoire à raconter. C’est mettre sa vie en jeu pour se sentir « even more alive », pour obtenir ce rush d’adrénaline, au final.

Au quotidien, on prend la vie pour acquise et on ne réalise pas pleinement en quoi elle consiste. Cela dit, je crois que Chris McCandless a réalisé quelque chose qui l’animait de tout son être : il allait mourir un jour. Car bien que l’on ne veuille pas y penser, mourir est un risque constant. Ce n’est pas fataliste ou dépressif que de penser ainsi. C’est juste une façon de mieux apprécier la vie. Car c’est en étant limité que la vie nous semble plus appréciable. Vaut mieux vivre ici et maintenant de tout son être, parce que c’est tout ce que l’on a réellement. C’est pourquoi je ne crois pas qu’il voulait mourir. Il avait plutôt le désir de profiter pleinement de la vie. Et profiter de la vie, c’est aussi comprendre le risque de mourir.  Et je suis convaincu que c’est exactement ce qu’a fait Chris. Il voulait réellement profiter de la vie, alors il a affronté son opposé de front. Il s’est mis en danger.

Oui, je vous vois venir. « Mais il est mort de faim, il s’est laissé mourir. » Vraiment? Je ne crois pas. Il a souffert d’un empoisonnement alimentaire. Relisez le livre, vous allez comprendre les subtilités autour de sa mort inexpliquée, qui ne sont pas présentées dans le film. Nous ne savons pas exactement ce qu’il s’est passé, mais je ne crois pas que c’était son erreur. C’est plutôt la Nature qui lui a joué un tour fatal.

Faisons un petit exercice mental : et s’il n’était pas mort en Alaska? Et s’il était de retour chez lui en ce moment? Cette histoire ne se serait jamais produite et Chris aurait survécu à son expédition en Alaska. On n’aurait probablement jamais entendu parler de lui et je n’écrirais pas cet énième article sur lui. Le risque de mourir qu’il avait entrepris n’aurait pas eu le même poids, car cela n’aurait pas eu lieu. Dans la réalité pourtant, Chris s’est poussé dans une situation dangereuse et des circonstances hors de son contrôle l’ont acculé au mur. Il n’avait plus aucune issue, car la Nature lui les a retirées. Ne pensons qu’à son arrivée où il a enjambé un court ruisseau; à son départ, ce dernier s’était transformé en énorme rivière infranchissable avec la fonte des glaces hivernales. C’est une accumulation de circonstances difficiles qui ont mené Chris à sa fin. Pas sa bêtise et ses mauvais choix. Je crois que Chris McCandless était quelqu’un d’intelligent et réfléchi. Il cherchait une vérité. Il cherchait sa vérité.

Vaut mieux vivre ici et maintenant de tout son être, car c’est tout ce que l’on a réellement. Crédits : Thomas (Slieve League, Irlande)

Il cherchait à voir la vie sous un autre angle, à pleinement apprécier le cadeau qui est de vivre sur cette planète.

Je suis d’accord avec cette vision, je la comprends et je m’y identifies. Ne sautez pas sur vos grands chevaux, je n’ai pas d’idées sombres. Au contraire, je comprends simplement que je mourrai un jour. Aussi bien vivre de belles expériences et vivre toutes sortes de choses avant que notre dernier jour arrive, non?

 

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