Pour toutes ces choses qui auraient dû être dites
18 mai 2017
La série 13 reasons why a provoqué son lot de réactions, c’est le moins qu’on puisse dire ! Certains la diabolisent, alors que d’autres en font l’éloge. Pour ma part, je crois que rien n’est tout noir ou tout blanc.
J’ai adoré la série, que ça soit clair. Elle permet à plusieurs personnes de voir une perspective différente de la leur. Cependant, je dois admettre qu’elle est bien maladroite, particulièrement pour les personnes plus à risque. Un bon nombre de choses auraient dû être dites et ont été volontairement délaissées. Même si l’émission ne se veut pas un documentaire, certaines informations se devaient d’être mentionnées.
Je m’explique. Le récit d’Hannah dépeint une femme emprisonnée dans une extrême souffrance et tentant à plusieurs reprises d’aller chercher de l’aide. Personne n’écoute ses appels au secours, bien qu’ils soient fort explicites. Pire, elle est ridiculisée et humiliée, et ce, même par des professionnels. Dans ce contexte, son suicide est comparable à l’effet boule de neige – une accumulation de déboires se mettant à peser si lourd que la personne s’écroule. C’est un processus qui prend du temps. Au départ, ce n’est qu’une issue parmi tant d’autres, puis cela se transforme en la seule et unique « solution ». Pourtant, ce n’est jamais la seule option. Et la série passe à côté de tout ça.
Avertissement : Si tu n’as pas encore écouté l’émission et que tu souhaites le faire, voici un lien indiquant précisément quels moments présentent des scènes difficiles. La série peut faire resurgir des émotions fortes suite au visionnement de scènes de viols et de suicide, par exemple. Il n’y a pas de mal à les passer. Le lien inclut aussi les trigger warnings manquants, notamment au sujet de l’intimidation, de l’automutilation et d’agression à caractère sexuel.
Le problème n’est pas de montrer à quel point le parcours pour demander de l’aide est parsemé d’embûches. Le vrai problème, c’est de ne montrer aucun message venant indiquer la possibilité de se tourner vers du personnel qualifié ou même un ami. On va se le dire: la série ne présente aucun espoir. Entre Hannah qui demande de l’aide en vain et ses proches qui ne peuvent plus rien y faire parce qu’elle n’est plus de ce monde, la seule chose qu’on perçoit, comme spectateur, c’est la détresse. Selon moi, il aurait fallu un simple mémo, en début d’émission, pour démentir cette impression de solitude liée à cet immense poids sur soi.
La série n’est pas recommandable pour plusieurs personnes, particulièrement celles éprouvant des problèmes de santé psychologique, notamment en raison du manque d’espoir qui en émane et des scènes hautement graphiques – allant beaucoup trop loin, si tu veux mon avis, et proscrites par tous les organismes en prévention du suicide.
Ce qu’il faut surtout garder en tête, c’est qu’il y a bel et bien une raison prouvée empiriquement qui démontre l’effet dangereux de cette série. On nomme ce phénomène « l’effet Werther ». Ce dernier se caractérise par une augmentation du nombre de suicides suite à la médiatisation d’un suicide, et ce, en l’absence de facteurs de protection. L’explication est simple : il y a un effet de suggestivité dans les médias qui est implicite. Plusieurs personnes s’identifient à Hannah, une adolescente bien normale, mais dépeinte comme sans espoir. Malheureusement, des experts s’entendent pour dire que l’effet Werther se produira tôt ou tard, voire, que c’est déjà le cas. Il faut dire qu’il a été prouvé à maintes reprises que ce genre de scènes pouvait devenir un facteur incitant au suicide, plutôt que l’en dissuadant. Les personnes derrière 13 reasons why ont décidé d’ignorer cette possibilité. Les producteurs jouent donc à un jeu dangereux, expliquant que l’objectif du projet était de démontrer qu’on n’est jamais complètement seul(e), en dépit de nos perceptions. Malheureusement, ils passent totalement à côté de celui-ci, particulièrement pour les spectateurs les plus à risques.
Ceci est sans parler de tout l’engouement médiatique qui en a résulté. À cette heure-ci, le problème n’est plus seulement la série, mais tous les commentaires qui y sont reliés. Il est impossible de dénombrer les commentaires qui critiquent les raisons du suicide d’Hannah. Plusieurs le qualifient de capricieux ou encore, disent qu’elle n’avait aucune raison de poser ce geste. Bien qu’il y ait toujours d’autres options, il faut comprendre qu’il est question, ici, d’une souffrance extrême, voire inimaginable. Nos petites déceptions du quotidien nous marquent, nos peines d’amour nous bouleversent et nos échecs nous perturbent – et ça fait partie de la vie. Mais quand ces moments pèsent lourd, peu importe qui nous sommes, peu importe à quel point on est fort ou résilient, on peut vouloir arrêter le temps. On peut vouloir un break. Personne n’est à l’abri de se prendre dans un filet d’idées noires et d’être incapable de s’en sortir. C’est un équilibre si fragile, la santé mentale. Un équilibre qui réside aussi dans un équilibre chimique du cerveau.
Et il n’y a pas que les messages aberrants des internautes mal informées qui choquent, mais aussi ceux de la page Facebook officielle de la série. En effet, certains internautes se confient sur leurs expériences d’intimidation sur la page – c’est une bonne chose en soi : au moins, ici, on y retrouve des poignées de personnes s’en étant sorties. Les administrateurs de la page, toutefois, contribue à l’idée d’une adolescence négative, en commentant, entre autres, à ces messages d’espoirs : « High school always sucks ». Soulignons toutefois le changement radical d’attitude suite à tous les articles à ce sujet : aujourd’hui, ils répondent davantage par des messages d’espoirs comme « It has to get better ».
Mais n’oublie pas, lecteur: le suicide, on peut en parler. À des gens de confiance comme des professeurs, des intervenants à l’école. On peut même appeler des ressources gratuites et confidentielles (1-866-APPELLE, SOS Suicide, etc.). On a le droit de demander de l’aide. Il faut juste qu’on arrête de se dire qu’on va les déranger. Parce que oui, il y a d’autres options que le suicide, même si parfois ça semble la seule. C’est déplorable qu’à aucun moment de la série, on ait eu l’impression qu’Hannah aurait pu s’en sortir. Mais malgré toutes ces maladresses, l’émission elle a su représenter parfaitement à quel point chaque action compte, aussi minime soit-elle. Il faut simplement faire en sorte que ces actions soient positives et aident les personnes en détresse.
Si tu as besoin d’aide, voici quelques ressources:
Couverture: AlloCiné