Un entre-deux

Ça restera entre nous

Grandir sans toi à mes côtés

À mon frère François.

Je t’imagine blond, yeux bleus légèrement en amandes, le sourire pendu jusqu’aux oreilles, comme sur toutes les photos qu’on m’a montrées de toi.

Je t’imagine optimiste, protecteur et bienveillant. Envers moi et tous ceux qui t’ont et t’auraient connu. Parce que si la vie a mis une série d’obstacles sur ton chemin, je sais que tu aurais tout fait pour apaiser les souffrances des âmes esseulées et désorientées.

Je nous imagine nous obstiner. Tout le temps. Et pour aucune raison.

Et surtout, j’imagine qu’on se serait occupé l’un de l’autre. Car tu aurais été le premier à me défendre. Car tu aurais été mon confident, mon ami, mon complice. Car tu es mon frère.

Oui, mon frère. On a beau ne pas se ressembler, le même sang a coulé à travers nos veines. Et la même femme nous a porté pendant 9 mois. Elle nous a allaité. Elle nous a bercé. Elle a séché nos larmes et partagé nos rires. Et le même homme s’est levé la nuit pour changer nos couches. Il nous a donné à manger en faisant comme si la cuillère était un avion. Il nous a rendu chacune de nos parcelles de joie en boomerang et nous a consolé si un cauchemar hantait nos nuits. Le même parcours; quatre ans d’intervalle.

Pourtant, il y a 24 ans, la vie nous a arraché l’un à l’autre. Sans même être au courant que l’on marcherait dans les mêmes traces. Elle m’a privé de ta présence et de ta sagesse dont j’aurais tant eu besoin par moments. Et je l’avoue sans gêne, j’envie un peu ceux qui ont eu cette chance de te connaître et de t’accompagner tout le long des quelques mois qui t’ont animé. Parce que tu semblais empreint d’une envie de vivre indestructible, malgré les embûches.

Certes, je n’ai pas connu la tristesse de ton départ hâtif, mais j’ai longtemps valsé avec la nostalgie d’un vide que je voulais à tout pris combler. Non pas pour Maman et Papa, qui, j’en suis persuadée, n’ont pas cherché à te remplacer, d’où notre différence d’âge. Mais pour moi. Le vide que tu as laissé en moi, sans savoir qu’un jour, je serai de ce monde. Tu étais à la fois omniprésent et absent. Et parfois, je rêve à la vie qu’on aurait pu avoir, si nos chemins s’étaient croisés. Si les quatre ans qui nous ont séparés n’avaient jamais existé. Je me prends à observer la nuit depuis la fenêtre de ma chambre, probablement dans l’attente d’un signe de ta part. Et je me demande si tu es là, quelque part. Si ta présence aurait eu un impact encore plus grand que celui que tu as déjà eu sur nous. Si tu me vois jongler avec le quotidien. Si tu es fier de moi, de la femme que je suis devenue malgré ton absence. Malgré que je n’aie pas grandi à tes côtés.

Il y a 24 ans, tu as laissé un grand vide derrière toi.

Bonne fête, mon frère. Je t’aime.

Couverture: Joshua Clay

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