Un entre-deux

Ça restera entre nous

Vivre à deux endroits à la fois

À 17 ans, j’ai pris une grosse décision. Je suis partie à 448 kilomètres de chez moi, de mon trou perdu. J’ai fait mes valises pour aller vivre à Jonquière, sans réellement connaître ce coin de pays. Je partais étudier en Arts et technologie des médias, Technique en communication, profil Animation et production radiophonique (oui, c’est un long nom !) – la seule technique en communication au Québec.

Au début de mon secondaire 5, je me sentais prête. J’avais hâte que l’année soit terminée, pour partir découvrir cette région. Soyons honnêtes : mes amies et ma famille allaient me manquer, mais sans plus. Sauf qu’à la fin de l’été, quand est arrivé le temps de partir, je n’étais plus prête. J’avais un chum, je réalisais à quel point mes amies étaient devenues proches et c’est sans oublier ma famille. Je n’étais même pas encore partie que tout commençait déjà à me manquer…

Les effets de cette transition se sont rapidement faits sentir : dès la première semaine, j’ai perdu presque 10 livres. Déjà que je ne suis pas faite grosse (je te rappelle que je fais 4’10 »…)! Et comme je ne connaissais que deux personnes, ma vie sociale était assez limitée. Alors qu’habituellement je me tiens toujours occupée entre l’école, le travail et les sorties entre amis, je me retrouvais toute seule, face à moi-même. Je prenais des nouvelles de mes amis de Marieville à tous les jours : MSN (ben oui, ça existait encore!), téléphone, Facebook, texto. Name it.

Crédits: Sweet Ice Cream Photography

La deuxième semaine est arrivée comme un second souffle: les cours commençaient, sans oublier les initiations et les partys de la rentrée! Tout n’était pourtant pas rentré dans l’ordre. Moi, passionnée de soccer, j’ai refusé d’assister au camp d’entrainement pour l’équipe collégiale. Comprends-moi: ça aurait occupé toutes mes fins de semaine et j’aurais donc eu moins de temps pour retourner chez moi.

Puis, la vie a repris son cours normal: terminés les initiations et les partys; l’école a commencé pour vrai. Je parlais à quelques personnes, sans plus. Il m’arrivait de participer à des activités, mais je préférais rester dans le confort de ma chambre et parler à mes amies ou à mon copain. Les 448 kilomètres qui nous séparaient n’avaient pourtant pas eu la même incidence sur eux que sur moi. Ils sortaient, travaillaient, faisaient du sport… bref, ils avaient une vie! Et je sais ce que tu vas me dire, lecteur : non, je n’aidais pas mon cas. Mais contrairement à moi, mes amis n’étaient pas enfermés dans leur chambre à attendre que je les appelle.

C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que j’étais en train de commettre une grosse erreur : j’essayais de garder ma vie à Marieville. J’étais partie pour trouver ma voie, mais je ne songeais qu’à revenir en arrière, qu’à récupérer ma vie d’avant. L’avantage de cette erreur, c’est que pendant cette session, j’ai eu les meilleures notes de tout mon parcours collégial! Mais je ne faisais que ça : étudier, étudier, étudier.

En novembre, une pensée m’a traversé l’esprit: j’envisageais de quitter ma technique. Mais la vie fait souvent bien les choses, même si parfois, on ne le réalise que par après. Lecteur, tu te rappelles que je t’ai dit plus tôt que j’avais un copain? Ouais, ben ça n’a pas duré bien longtemps… C’était mon premier amour. J’avais donc beaucoup d’espoir en cette relation et encore trop d’innocence. Et voilà qu’on a décidé de rompre au moment même où je pensais de plus en plus à lâcher ma technique. On avait décidé d’essayer la relation à longue distance la veille de mon départ et bien qu’on ait fait de notre mieux, ça n’a pas fonctionné. Parce qu’on a beau avoir toutes les meilleures intentions du monde, c’est dur d’aimer à 448 kilomètres. 

Crédit: Dominique Gobeil

Lecteur, je vais pas te mentir, le mois de novembre m’a fait bien mal. Non seulement je ne me sentais pas bien dans mon programme d’études, mais je n’avais plus d’amoureux et ça n’allait pas très bien avec certaines de mes amies. Parce qu’il n’y a pas que les relations amoureuses qui sont difficiles à entretenir à distance. Les amitiés aussi! Et plus le temps avançait, plus je réalisais que plus rien ne me retenait à Marieville, si ce n’est que ma famille que j’avais malheureusement trop délaissée. Mais ça a été le déclic qu’il me fallait: j’ai réalisé que ma vie n’était plus là-bas. J’ai réalisé qu’eux avaient continué leur vie malgré mon absence et que je devais désormais construire la mienne à Jonquière.

Je m’en voulais. Je m’en voulais de m’être oubliée.

Puis, je me suis rappelée pourquoi j’avais pris la décision d’étudier à 448 kilomètres de chez moi. J’ai quitté mon coin perdu pour étudier dans un domaine qui me passionnait et qui me passionne encore. Pour changer d’air. Et une fois que j’ai accepté ce sentiment, j’ai recommencé à vivre. Vivre à fond comme je le faisais avant de tout quitter. J’ai rencontré des gens incroyables qui, encore aujourd’hui, font partie de ma vie. J’ai découvert un coin de pays magnifique à travers de nombreux roadtrips. J’ai fait partie de l’équipe de soccer de mon cégep. J’ai réalisé à quel point ma famille occupait une place importante. Et surtout, j’ai su sur qui je pouvais vraiment compter. Alors celle que j’avais oublié à Marieville, j’ai fini par l’amener avec moi à Jonquière. Et ce fut la meilleure décision de ma jeune vie (t’sais, j’ai seulement 23 ans).

Il y a six ans, je vous aurais dit que Marieville me manquait.

Aujourd’hui, Jonquière me manque.

Couverture: Aki Tolentino

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