Oui, je suis fière d’être française
12 juillet 2017
Le mois dernier, Thomas t’expliquait pourquoi il était fier d’être québécois. Avec le 14 juillet qui approche et la récente réception de mes papiers d’identité (wouhou!), j’avais envie, à mon tour, d’exprimer toute ma gratitude d’avoir la nationalité française.
Je suis née au Québec, j’ai grandi toute ma vie dans la belle province et je n’ai aucun accent, sauf celui d’une bûcheronne quand je veux faire rire – ou devrais-je dire pester – ma p’tite maman. Mais c’était extrêmement important pour ma mère de nous inculquer sa culture. De faire en sorte qu’on n’oublie pas qu’on vient de là, mes frères et moi, ne serait-ce que par son sang qui coule à travers nos veines.
C’est pourquoi, quand j’étais petite, j’étais particulièrement heureuse d’avoir un passeport français. Probablement parce que je me sentais unique. Bien que je l’aie troqué pour un canadien, encore aujourd’hui, j’intègre des valeurs, des habitudes, des façons de penser et de vivre typiquement françaises à mon quotidien. Je soupe à 20h. Je dis « putain » plus souvent que « ciboire ». Pour moi, des gosses, c’est des enfants avant d’être des couilles. Je vouvoie les gens que je ne connais pas, les adultes, les personnes âgées, mes patrons et mes beaux-parents. En soirée, je partage la nourriture ou les boissons que j’amène et je laisse les gens piger dans mes affaires – le BYOB ou chacun pour soi des Québécois, je ne connais pas ça. Je mange des crêpes matin, midi et soir, en plat principal comme en dessert. Au travail, je ne compte pas mes heures et je ne sais pas ce qu’est le 9 à 5 dont plusieurs me parlent. Je comprends quasi parfaitement l’argot, le verlan et le patois (les équivalents du joual québécois). Et oui, je me plains beaucoup. Tout le temps, à vrai dire. Mais ça me fait du bien.
Je dois toutefois te l’avouer, lecteur, cette fierté d’être française m’a parfois rendue confuse. Entre nos politiques discutables, notre système aristrocratique et élitiste, notre retard considérable par rapport au reste du monde et toutes les autres raisons qui font qu’on se retrouve au coeur des manchettes, je n’ai pas toujours su où me placer. Tantôt j’étais fière; tantôt, je reniais mes racines. Il m’arrivait de m’enfermer dans mon mutisme. De ne pas crier sur tous les toits ma double nationalité lorsque la France décidait de reculer 20 ans en arrière. Ce qu’elle a fait souvent dans les dernières années, si tu veux mon humble avis.
Je pourrais te dire que tout ça a un lien avec les récents actes terroristes, mais ce serait te mentir. Ma fierté auparavant non assumée est bien plus profonde que ça. Ce n’est que maintenant que j’ai la confirmation que je suis française établie hors France que je réalise la chance d’avoir deux nationalités. La chance de côtoyer deux cultures aussi bien cousines qu’aux antipodes. La chance de porter en moi la richesse de deux pays que mes parents m’ont légué en héritage. Parce que ces endroits sont bien plus que là où gastronomie, histoire et arts se rencontrent. C’est mon identité même, la personne que je suis. Même si elle ne se résume pas qu’à un bout de papier signé par une instance consulaire.
Et bien que j’admets sans gêne que je n’irai pas vivre en France définitivement, un retour régulier aux sources et à mes racines me fait le plus grand bien. Quant à toute l’histoire qui émane de ces vieilles terres – on a quand même inventé la déclaration des droits de l’homme et du citoyen – et à la façon de ce pays de se relever après les coups durs, je suis d’autant plus fière d’arborer le bleu-blanc-rouge dans mon ADN. Parce qu’elle réside là, ma fierté : dans toute cette solidarité qui unit des peuples, un peuple, maintes fois écorché par les aléas de la vie, mais toujours debout.
Couverture : Yoann Boyer