L’amour au singulier
6 mars 2017
Chaque histoire commence par une fois, un regard, un sourire. Les histoires d’amour, elles, semblent souvent débuter par un doux baiser posé sur les lèvres de celui ou celle qui fait battre notre coeur. Parfois, l’élément déclencheur ne devient qu’une prémisse à quelque chose de plus beau encore. On apprend à connaître cette personne et plus ça va, plus les émotions et les petites pensées se bousculent dans notre tête. On troque le « je » narcissique pour un « nous » rassembleur, parce que ces projets qui nous trottent en tête, on veut les construire à deux.
On se sent indissociable de l’autre, comme le noir l’est avec le blanc, le chaud, avec le froid… comme le « je » l’est avec le « tu ». Alors que se passe-t-il si l’une des deux personnes conjugue encore au « je »? Si le « nous » n’est pas présent dans son vocabulaire? Si l’amour est conjugué au singulier?
L’absence de deux lettres illustre bien que les « il était une fois » ne finissent pas toujours par se marier à un « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Pourtant, l’un donne du sens à l’autre. Voire, il justifie existence de l’autre. Sans dire que tout être humain ne vit que d’amour et d’eau fraîche, on ne peut nier que l’on a besoin d’aimer et d’être aimé. Un besoin qui se transforme parfois en un désir insatiable et d’autre fois en déception…
Parce que l’autre ne partage pas tout à fait cette opinion. Pour cette personne, le besoin n’est en fait qu’un désir temporaire. Et que ce soit avec toi ou une autre, c’est du pareil au même. Tant qu’il a de l’affection, peu importe de qui il provient, l’amoureux singulier est satisfait. Parce qu’il préfère simplement être aimé et qu’il paresse à l’idée d’aimer. Par narcissisme? Par insécurité? Par ignorance? Va savoir pourquoi.
Une faille se creuse. Devient une crevasse. On se rend compte que la proximité physique n’égalera jamais la proximité psychologique. Que l’un ne vient pas sans l’autre. Que l’on est attiré par un idéal esthétique et sécurisant. Et parfois, même si cet idéal posait le « nous » sur nos lèvres, le « je » n’étais jamais bien loin, de par l’émergence des doutes, des insécurités, des imperfections… et d’une indifférence égoïste. Mais on restait par confort. Car même si ses défauts nous faisaient grincer des dents, la part d’inconnu du monde extérieur nous terrorisait. Près des yeux, loin du coeur… ce n’est pas plutôt ça le dicton?
Au fond, on a tous déjà accordé l’amour au singulier, car il n’existe aucune règle qu’une grammaire pourrait imposer pour justifier l’existence d’une relation au pluriel et nier celle au singulier. Peut-être faudrait-il réviser notre Bescherelle?
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